Dans quelle situation se trouvait Crossject à la veille du confinement ?
Le début de l’année 2020 avait bien commencé pour Crossject. Tous les voyants étaient au vert pour la réalisation des lots cliniques.
La chaîne de production Crossject venait de passer avec succès une ultime inspection, celle-là au niveau de notre partenaire Cenexi, audité par les autorités de santé belges pour la partie réservée à la production de nos médicaments.
Nous nous apprêtions à lancer la production des premiers lots quand la crise du Coronavirus nous a contraints, par prudence, à tout stopper. L’obligation de confinement nous a en effet conduits à ne maintenir sur site qu’un minimum de personnes, pour des opérations de maintenance et de surveillance. L’équipe de production, dans sa grande majorité, est restée chez elle pendant 2 mois.
Comment s’est organisé le travail des autres fonctions ?
Dès l’annonce du confinement, nous avons privilégié la santé de nos équipes en mettant en télétravail toutes les personnes en mesure de poursuivre leur mission à distance. Du côté des mesures barrières, nous avons limité à 10 personnes au maximum la présence sur site en gérant les périmètres de Gray et de Dijon comme des salles de réunion. Les télétravailleurs ont ainsi la possibilité à leur gré de passer au bureau et accéder par exemple à des moyens bureautiques mais sans hasarder leur santé. Nous commençons progressivement à élever ce seuil pour accompagner la reprise de notre activité.
Nous avons également suspendu quasiment tous les déplacements professionnels physiques de l’ensemble des collaborateurs, maintenant uniquement ceux assurant la sécurité de nos collaborateurs et partenaires.
L’accès aux moyens de protection individuels a été un véritable challenge pour nombre d’entreprises. Comment ça s’est passé pour Crossject ?
Disposer de masques en nombre suffisant a été bien entendu notre combat dès le premier jour du confinement. Nous travaillons en salle blanche et nous avions du stock mais la perspective de pénurie à court terme nous a incités à anticiper.
Si les premiers lots étaient fort logiquement réservés aux personnes en première ligne, nous avons pu ensuite accéder à des approvisionnements et à des filières efficaces. Ce qui a fait que nous n’avons jamais été pris au dépourvu.
Nous avons même pu nous permettre de partager avec le CHU Dijon Bourgogne et les EHPAD de notre environnement des équipements de protection comme des masques, des blouses et des gants.
Quelles ont été les mesures de protection de la trésorerie ?
Pour protéger la trésorerie de Crossject, nous avons bénéficié des mesures de soutien mises en place par les pouvoirs publics.
En particulier, nous avons actionné la possibilité de reports de charges et déclenché un plan d’activité partielle, dont un tiers s’est arrêté totalement et deux tiers ont fonctionné avec un temps de travail très réduit. Cette mesure a pris fin le 31 mai. Depuis le 1er juin, tout le monde est à nouveau à 100 %.
Nous avons par ailleurs rechargé la trésorerie de 5,5 millions d’euros, principalement grâce à un prêt garanti par l’État souscrit auprès de nos partenaires bancaires historiques, et au versement du Crédit Impôt Recherche 2019.
Cette somme s’est ajoutée aux 7,8 millions que nous avions en caisse au 1er janvier pour nous permettre d’avancer en toute sérénité.
Le télétravail est une innovation pour une large partie des collaborateurs de Crossject. Comment avez-vous organisé cela ?
Nous avons permis à toutes les personnes concernées de passer en mode télétravail en 24 heures grâce à l’engagement de notre info-gérant. En effet, il a pu en un temps record mettre à la disposition de chacun une station de travail mobile et une connexion sécurisée.
Nous avons aussi veillé à améliorer l’usage des outils, de façon à faciliter ce nouveau mode de travail. Ainsi, le recours à la visioconférence a-t-il été accompagné de la diffusion de bonnes pratiques.
D’autres initiatives sont venues directement des équipes. Par exemple, faire baisser le volume de courriels échangés grâce à des outils collaboratifs.
L’entreprise prend maintenant le relai pour faire un bilan de l’efficacité comparée des outils utilisés, sélectionner le plus agile et sécurisé, et étendre son usage à toutes les équipes.
Nous avons également adapté notre système Qualité aux activités réalisées à distance, tout en garantissant le respect des exigences réglementaires.
Le travail à distance a un impact sur la vie collective de l’entreprise. Quelles dispositions avez-vous prises pour maintenir le lien ?
Le maintien de la cohésion d’équipe a fait évidemment partie – et fait toujours partie – de notre plan d’actions de protection. Nous avons principalement initié 5 actions :
- Un point téléphonique quotidien entre le Directoire, les Ressources humaine et un référent interne Covid.
- Le “digital café’’ qui propose chaque semaine une séance de convivialité à nos télétravailleurs.
- Une micro newsletter hebdomadaire, pour que chacun, télétravailleur ou en activité partielle, puisse rester connecté à l’activité et aux enjeux de l’entreprise.
- Une séance plénière mensuelle en visio-conférence, au cours de laquelle nous avons abordé les sujets collectifs et notamment fait le point sur la situation RH. La première séance a permis d’expliquer les contours de l’activité partielle. La seconde, préparée avec les managers, a permis de nous tourner collectivement vers l’après.
- Une cellule de soutien psychologique qui est à la disposition des collaborateurs de Crossject, en toute confidentialité. Elle est à ce jour, fort heureusement, peu usitée.
Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous nous trouvons dans une situation intermédiaire où le télétravail reste la norme mais où la possibilité de passer du temps à l’entreprise est accrue, de manière intelligente et encadrée.
La distanciation sociale est relativement facile à organiser dans les ateliers, où les postes sont espacés, et dans les bureaux, où il suffit de cadencer les rotations.
La partie la plus difficile à organiser concerne finalement la circulation et les commodités. Nous avons mis en place un protocole strict pour éviter les croisements pendant les pauses et limiter l’affluence en début et en fin de journée.
Nos visiteurs se soumettent également à un rituel de protection. Un kit est fourni aux visiteurs.
Le parking du site de Dijon a été prêté pour un site de tests Covid19 en drive-in par notre voisin, laboratoire d’analyses médicales.
Les déplacements chez nos partenaires s’intensifient, indispensables à la cohérence et à la qualité de notre supply chain. Les protocoles de protection sont synchronisés avec le partenaire pour que les collaborateurs concernés appliquent les mesures les plus strictes et protectrices.
Que retiendrez-vous de cette situation particulière ?
L’ensemble de la société Crossject se trouve paradoxalement vivifié à travers cette expérience, chacun faisant davantage d’efforts collaboratifs et chacun mesurant aussi mieux l’intérêt de se voir régulièrement dans une situation d’entreprise. L’organisation de rotations pour la présence sur les sites va d’ailleurs dans ce sens.
La place des managers de terrain dans l’animation de l’intelligence collective se trouve par ailleurs renforcée par la force des choses. Même si le projet de leur donner davantage de place était lancé avant le 15 mars, la période du confinement a permis de révéler la force de leur engagement et leur capacité à animer le projet collectif.
Du point de vue de l’entreprise, il me semble que la mobilisation des uns conjuguée à la créativité des autres nous a rendus globalement plus forts. Le télétravail et l’adaptation des comportements qu’il induit vont plutôt dans le sens d’une optimisation de notre fonctionnement collectif et d’une amélioration de notre productivité.
Par exemple, nos réunions sont devenues plus courtes et mieux préparées. Chacun y ayant trouvé son compte, je veux croire que ces bonnes pratiques perdureront.